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"CE N'EST PAS LA TAILLE QUI COMPTE"

Véronique Boudier, Sans titre, 2002

© Constellations, vue de l’accrochage des collections permanentes « Joyeuses Frictions » du Musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS), 2020

Comme perdue au milieu de l’immensité, l’immensité des arbres, l’immensité de la forêt, l’immensité de la nature. Il y a une femme. Elle a réussi l’exploit de gravir cet immense tronc tombé au sol pour se tenir là. Pourtant, l’attitude n’est pas conquérante. La photographie est prise à hauteur, au niveau, d’égal à égal avec la femme. Elle dégage plutôt de la détente, du bonheur, de l’harmonie.

Aucun élément qui indique la présence humaine ne figure dans le champ de la photographie, à part cette femme. Pas même un sac abandonné ici ou là, dans l’effort. La prise de la photographie a été réalisée au niveau des plantes, comme partie prenante de la nature dont on perçoit la vitalité. La position du tronc au sol, à l’horizontal, dénote avec les troncs encore debout, élancés. La taille de ce tronc nous est d’autant plus perceptible. A l’échelle humaine - de la vie humain et de la taille humaine - il est en effet énormissime, centenaire, puissant. Un rappel que nous sommes peu de chose face au temps, à la nature qui nous surplombe.


Je ne peux m’empêcher de penser à ce qui serait arrivé si cela avait été un homme, certes stéréotypé, qui était parvenu à se tenir là, à la place de la femme au centre de la photographie. Je suis persuadée qu’il se serait tenu fier, droit, dans une attitude conquérante et compétitrice et que l’on aurait alors subtilement pu sous-titrer l’œuvre : « Alors qui a la plus grosse ? ». Ici, c’est la nature, c’est ce tronc. C’est aussi cette femme, et non pas parce qu’elle se dresse comme « maître et possesseur de la nature » sur un tronc beaucoup plus grand qu’elle mais parce qu’elle est là, dans le moment, en place dans l’écosystème. Et on semble y être bien. Assise, étendue, avec une nouvelle vue sur les choses depuis son promontoire. Une façon de se mesurer à la nature, non pas pour rivaliser ou se battre avec elle mais pour trouver sa place. Une place où il fait bon d’écouter le silence des arbres, de sentir leur histoire, le temps et les scènes dont ils sont les témoins privilégiés.

Il est toujours tentant de mesurer les choses par rapport au référentiel humain. Ici, la taille d’un tronc par rapport à la taille d’un corps. Ou penser que cet arbre a probablement connu Napoléon, un référentiel temporel bien Français. Parce que c’est ce que l’on connaît pour appréhender le réel. Mais ces arbres ont une vie propre, bien déconnectée de l’existence humaine. Ils n’existent pas pour nous ou en fonction de nous, mais avec nous, comme nous avec eux. Ainsi le centre, le sujet de l’œuvre n’est pas tant cette femme sur un tronc. Mais aussi la forêt, la faune, la flore qui vivent, des sapins, des fougères, de la terre, des branches, des brindilles, un ciel bleu, les particules de l’air et, ah oui, aussi là, une femme.



Véronique Boudier, Sans titre, 2002

Photographie couleur contrecollée sur aluminium

Collection du Musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS)

Achat en 2002


Visible dans l’accrochage des collections permanentes « Joyeuses Frictions » du Musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS)

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