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REVEILLEZ-MOI AU PRINTEMPS !

Pascale Roux de Bezieux, Hibernacula, Pandemic Series, 2020


© Pascale Roux de Bezieux

Un lit défait. Le plein jour. Une chambre abandonnée.

Une scène somme toute assez banale. A ceci près que ce lit-là n’est pas inhabité. Une silhouette se cache parmi les draps. Dans un camaïeu de beige et d’orange poudré, il y a bien quelqu’un. Quelqu’un voudrait se faire oublier parmi les couettes, draps et oreillers.

Quelle heure est-il au juste ? La lumière, comme le point de vue adopté par la photographe Pascale Roux de Bézieux, semble presque zénithale. Les draps défaits de part et d’autre du lit et les marques d’une silhouette encore imprimées sur le second oreiller semblent indiquer la présence passée d’une seconde personne déjà, elle, bien debout.

Ce n’est plus l’heure de dormir et pourtant. Que faire d’autre dans ce cadrage si resserré ? Il encercle, il clôt, il enferme. Il épouse les contours du lit et nulle échappatoire ne semble s’offrir. Comme un animal en cage anonyme, observé et filmé d’en haut, le sujet – est-il vraiment le sujet de l’action ou commence-t-il déjà à se fondre parmi les draps et objets inertes ? – se terre dans son « hibernacula » d’après le titre de l’œuvre. Cette hibernacles en français est prête à l’accueillir pour l’hiver. L’histoire saura que cet épisode s’est en fait déroulé en pleine floraison du printemps.

Nous sommes en plein confinement à New York, au début de l’année 2020. Le champ d’action de la photographe, comme le cadrage qu’elle adopte, se réduit. Le point de vue est surplombant, omnipotent. Il est presque cinématographique. La caméra offre un regard fixe sur la scène en train de se jouer et donne à voir un huis clos silencieux où le sujet est livré à lui-même, sous le regard de l’appareil, sous le regard de l’autre.

L’hibernacles doit protéger. Pourtant, la silhouette, saisie au cœur de son intimité, cherche à se protéger en vain. Du bruit ? De la lumière ? Du monde extérieur ? Cette attitude nous le rappelle, le monde extérieur est hors champs, invisible, mais bien présent, toujours. Comme d’un trop plein de pression extérieure dont il cherche à se préserver : l’atmosphère anxiogène, le flot d’actualité, la vie qui perdure avec ou sans, l’individu ne trouve aucun répit. Loin d’être isolé et protégé chez soi il est plus que jamais en proie à la violence qui se joue dans ses murs et en dehors.

De quoi chercher à se terrer sous l’oreiller et s’enrouler sous la couette encore un peu !


Pascale Roux de Bezieux, Hibernacula, Pandemic Series, 2020

Photographie

Présentée dans le cadre de l’exposition collective « Itinerancy#03, Women Artists From France To USA » à New-York les 23 et 24 octobre 2020

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