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MINIA BIABIANY, L'ARTISTE TOLI TOLI



Le travail de l’artiste plasticienne Minia Biabiany est un parcours. Une invitation à traverser les espaces, les récits et à percevoir les indices laissés çà et là par l’artiste pour reconsidérer et se saisir de l’identité du territoire caribéen, de son histoire et des non-dits qui impactent encore aujourd’hui les corps, les terres et le quotidien des populations.


Après une formation à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon à l’occasion de laquelle elle commence à travailler le fil et le coton, matériaux chargés du poids de l’histoire de l’esclavage propre à son territoire, Minia Biabiany, artiste guadeloupéenne née à Basse-Terre en 1988, s’installe entre le Mexique et la Guadeloupe - où elle assura des ateliers auprès des publics scolaires - et montre son travail notamment en Amérique Latine et en Europe. Elle remporte le prix Sciences Po en 2019 avec la vidéo « Blue spelling, a change of perspective is a change of temporality » (2017) qui traite des séquelles et des conséquences encore visibles de l’utilisation du chlordécone dans les bananeraies débouchant sur la contamination durable des sols de Guadeloupe et de Martinique. L’œuvre vidéo « Toli Toli » (« chrysalide de papillon » en créole) présentée à la Biennale de Berlin en 2018 marque, elle, un tournant dans sa pratique : en se saisissant d’une comptine créole traditionnelle, elle entreprend de briser le silence et de poser les mots sur les choses enfouies, cachées. Pour mieux annihiler la honte et la peur et appréhender l’histoire avec vérité et fierté.


La renaissance c’est la possibilité d’être en lien avec soi-même, avec son territoire et de se réapproprier son corps et sa voix.


Au fil des œuvres et des installations, on puise alors dans les traditions guadeloupéennes – le créole comme source poétique, les techniques de tressage comme celle des nasses – et dans la charge des matériaux – le coton, la terre (que l’artiste a notamment disposée au sol dans une installation présentée au Magazin des horizons de Grenoble dans le cadre de l’exposition « J’ai tué le papillon dans mon oreille » en 2020) – la force de se confronter au silence de l’histoire et aux conséquences de l’assimilation française. Le fil et les mots tissent un chemin, un récit. A lire, à sentir et à écouter.


Rien d’étonnant alors à ce que le projet sur lequel travaille actuellement l’artiste soit la publication d’un livre d’art, publié aux éditions mexicaines Temblores, retraçant son parcours à travers les territoires, les œuvres et les récits. Un premier bilan de sa pratique artistique.

L’on pourra également retrouver le travail de Minia Biabiany à l’occasion du Prix Ricard 2021, pour lequel elle a été sélectionnée, et d’une exposition qui lui sera consacrée au centre d'art Les Tanneries à Amilly (Centre-Val de Loire) du 23 janvier au 14 mars 2021.


Camille Brouillard

Texte publié dans le cadre de la parution du magazine C'Smart, décembre 2020

Magazine et article (pp. 54-55) consultables en ligne


Photo 1. Capture vidéo, Toli Toli, video color HD, 10 min, 2018, © Minia Biabiany Photo 2. Blue spelling, a change of perspective is a change of temporality, vidéo couleur HD, 2.22 min, 2017, © Minia Biabiany Photo 3. Installation Musa nuit, La Verrière, Bruxelles, Fondation d'entreprise Hermès, 2020, © Isabelle Arthuis Photo 4. Installation J'ai tué le papillon dans mon oreille, Magasin des Horizons, Grenoble, 2020, © Camille Olivieri

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