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LES CONSTELLATIONS N'EXISTENT QUE PARCE QU'ON LES VOIT



Les constellations n’existent que parce qu’on les voit.

Regarder les constellations, c’est avant tout trouver, en un instant suspendu dans le temps,

l’espace

où il est bon se retrouver seul.e, face au ciel, face à soi-même.

Voyager parmi les étoiles comme dans son intériorité et contempler. Les constellations

sont là,

avec nous, elles nous accompagnent à chaque instant, à chaque endroit de la nuit.

Elles forment un repère rassurant, immuable, qui perdurera avec ou

sans nous.


Pourtant, les constellations ne sont que le fruit de notre imagination collective. Véritablement seul.e face au ciel, et sans aucun lien avec la communauté humaine, nul ne pourrait les voir, les connaître, les reconnaître. L’œil humain a regroupé les étoiles visibles, les a liées, nommées, théorisées. Ces étoiles qu’il a rapprochées et rendues interdépendantes au sein de constellations sont en réalité très éloignées physiquement les unes des autres. Comme des anamorphoses qui apparaissent et disparaissent au gré de nos déplacements et de nos points de vue, les constellations ne sont visibles et n’existent que par et pour l’œil humain depuis le sol.


Les constellations n’existent que parce qu’on les voit.


Impossible alors de contempler seul.e le ciel. C’est toute l’histoire, les références et la communauté humaines qui sont derrière chacun.e d’entre nous au moment où nous pointons le nez vers lui. Le premier réflexe, l’instinct, revient à chercher ce que l’on connait, à voir dans les étoiles les constellations repères et quadriller à partir d’elles le ciel à l’image de nos propres croyances et références.


Les étoiles brillent comme des repères. Elles aveuglent aussi. Dans l’art, comme dans l’ensemble des champs de la vie, les stars, les vedettes les plus visibles, accaparent la lumière, les études, les réseaux et la reconnaissance. Il faut faire l’effort de regarder plus loin, de plisser les yeux pour découvrir d’autres étoiles moins brillantes, se couper du ciel préalablement quadrillé et véritablement regarder, avec attention.


De tierces personnes sont là pour nous guider, pour nous montrer les constellations existantes et celles en train de se faire pour véritablement les regarder et les intégrer à notre propre faisceau de références. Ces tierces personnes, les passeur.se, font le lien entre le monde du visible – le sol - et le monde de l’invisible – le ciel. Elles ouvrent un monde totalement nouveau, proposent d’adopter un point de vue autre et c’est l’ensemble de notre ciel de références qui s’en trouve bousculé. C’est un proche, un.e créateur.rice, un.e professeur.e, un.e scientifique, un.e ancêtre, un.e inconnu.e, qui montre un chemin nouveau. C’est l’étoile du nord qui guide et éclaire la nuit.


Les constellations n’existent que parce qu’on les regarde.


L’enjeu est alors d’ouvrir le sens, d’ouvrir les yeux et d’adapter son regard. Aller à la rencontre d’un monde beaucoup plus vaste et donner à chaque étoile la possibilité d’exister et de construire sa propre constellation. Une étoile n’existe pas sans constellation. Une constellation n’existe pas sans étoile.


Faire briller les étoiles, les œuvres, c’est s’autoriser à plonger à l’intérieur d’elles comme dans de nouveaux ciels où tout reste à découvrir. Adopter leur œil, leurs langages et leurs constellations de références pour mieux les regarder et les faire résonner avec notre propre subjectivité. La lumière des étoiles, comme celle des œuvres d’art, accroche l’oeil. Elle se diffuse, imprime sur notre rétine des impressions, des souvenirs, des sensations et dessine dans les étoiles des formes, des sens, des interprétations selon notre propre histoire, expérience et subjectivité.


Faire briller les étoiles, les créatrices, c’est adopter un positionnement, un point de vue ouvert, curieux et solidaire pour ne rien mettre de côté. Ce positionnement est celui du spectateur.rice, des artistes, des institutions, des chercheur.ses, de tout un chacun, qui cherche à réapprendre à voir et à regarder ce qui est déjà là et qui se créé à chaque instant. Pour donner une visibilité, développer et découvrir de nouvelles constellations créatrices qui passeront et se déploieront, comme les mythes fondateurs d’une réalité en train de se construire, de génération en génération.


Les constellations n’existent que parce qu’il y a quelqu’un pour les créer.

Quelqu’un pour les montrer du doigt.

Pour les transmettre.

Les raconter.


Les constellations n’existent que parce qu’on cherche à les voir.


Camille Brouillard pour Constellations


Texte publié dans le cadre de la participation à l'exposition "Retracer notre ciel : constellations féministes et queer, archives et création contemporaie" présentée par l'Atelier Corps, genre, arts de l'association EFiGiES

en parallèle du colloque en ligne « Constellations créatrices : héritages et réseaux féminins / queer » organisé par les Jaseuses les 23, 30 janvier et 6 février 2021

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