Michèle Katz, Couple avec enfants, 1971
© ADAGP, Paris 2019 photo Ville de Dunkerque Vincent Bijan Disposé là au centre de la représentation, un mont chaotique constitué de membres d’enfants attire l’attention. Les figures enfantines sont parfaitement reconnaissables – le bras de poupon rose fait directement référence à l’univers de la puériculture – mais ils sont en morceaux, disloqués et amoncelés en un tas informe.
Une véritable scène de bataille.
Les deux principaux protagonistes de cette bataille sont une femme et un homme. Ils sont de profil, de part et d’autre de l’image, ils sont disproportionnellement grands, imposants, réduits à leur visage, à leurs yeux. La figure de l’homme est protégée par un casque, une visière, un attribut militaire, tandis que la femme est nue, sans arme, hormis celle de son regard qui ne faiblit pas. Elle est exposée directement à la réalité chaotique de la maternité qui pèse sur elle, et à son compagnon qui semble à première vue intouchable. Ils se font face et se regardent droit dans les yeux, comme pour déterminer qui cédera en premier. Et nous sommes les témoins, au milieu.
Le titre de l’œuvre nous renseigne sur les rapports que cette femme et cet homme entretiennent. Il s’agit d’un « couple avec enfants ». L’artiste n’a pas choisi de nommer l’œuvre « les enfants du couple » - qui aurait rappelé que les enfants sont le centre et naissent bien d’une structure familiale composée de deux personnes - mais bien « couple avec enfants », une façon d’extérioriser l’objet de la discorde et de délier, de désolidariser la structure familiale.
La forme suggestive du sein sur lequel reposent les membres d’enfants rappelle que c’est bien souvent la femme qui assume seule cette responsabilité. Rien d’étonnant alors à ce que l’artiste inscrive à l'encre le titre de l’œuvre « Couple avec enfants » à côté de la figure féminine. C’est elle qui est garante de leur santé, de leur éducation et qui porte le couple. Pourtant le couple est bien constitué de deux êtres. Tous deux témoins du chaos qui se joue sous leurs yeux. Ils ne forment pas un binôme mais bien deux ennemis. Qui des deux cédera pour la remise en ordre.
L’œuvre s’inscrit dans le contexte de la lutte pour la contraception, l’avortement, et la liberté des femmes à disposer de leur corps. L’artiste se dresse ici contre l’assignation des femmes à un désir d’enfant et à un foyer. Elles-mêmes victimes de guerre, les enfants au centre sont également sacrifiés. La figure de l’homme, aux attributs militaires, peut alors tant bien représenter le père – protégé des enfants par son casque – que les forces armées, le gouvernement et plus largement la société contre lesquels les femmes doivent se dresser pour imposer leur droit à disposer de leur corps.
Le champ de batailla va alors plus loin que dans la rue pour la conquête des droits. Il est aussi présent au quotidien dans les foyers. Afin que les protagonistes du couple soient également impliqués et responsabilisés. De quoi encore user des yeux revolvers.
Michèle Katz, Couple avec enfants, 1971
Collage et encre sur papier
Collection du LAAC
© ADAGP, Paris 2019 photo Ville de Dunkerque Vincent Bijan
Visible dans l’exposition « Michèle Katz-Chroniques d’une femme mariée » présentée au LAAC jusqu’au 25 octobre 2020