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LES CONFINé.E.S

Katrin Ströbel, Les confiné.e.s, 2020


Les confiné.e.s. Le titre de l’œuvre de Katrin Ströbel laisse interrogateur. Qui est confiné ici ? Entre le masculin « é » et le pluriel « s », le féminin « e » impose sa présence. Il est aussi pris en étau.


Les corps sont enchâssés, imbriqués, emprisonnés les uns avec les autres, les uns sur les autres, les uns contre les autres. Ils sont plusieurs, de nature, de genres, et de médiums différents, et ne forment pourtant qu’une silhouette. Si bien qu’on ne sait plus quelle partie appartient à quel tout, qui enlace qui, à moins qu’il ne l’emprisonne. Ce bras enserre, ce bras pend, ce bras se lève. Contraints d’évoluer ensemble, tous ont été « confiné.e.s ».


Une silhouette se détache pourtant. Celle d’un corps féminin ou plutôt sa partie inférieure. Le seul qui ne semble pas tenir par lui-même sur ses pieds. Ce corps n’a pas de tête, pas d’identité, pas d’histoire. Il a un genre, des attributs vestimentaires qui l’identifient : bijoux, collants, chemisier... Et il semble être l’objet de plusieurs contraintes qui se superposent. Celle de l’histoire – la silhouette de fond a les traits d’une statue et d'un héritage historique lourd d’emprisonnement pour le corps des femmes – celle des mesures sanitaires gouvernementales des derniers mois - les silhouettes masculines unicolores renvoient à l’esthétique des affiches militaires – et celle de l’autre sexe qui fait peser sur elle son emprise. Si bien que la silhouette féminine semble endiguée. Elle est apprêtée pour l’extérieur mais ne bouge pas. L’accès lui est limité. Incontestablement, le mouvement s’opère de l’intérieur.


Alors ce bras qui se lève, ces bras qui se ferment et font obstacle ne seraient-ils pas la marque d’une bataille intérieure, d’un jeu de forces et de pouvoirs contraires, d’une révolution en train de se faire ? Les figures représentées ne seraient-elles l’expression d’une seule et même personne, les témoins des forces en nous qui se battent et ne demandent qu’à surgir. Le tissu de l’œuvre résonne comme un étendard.


Les corps confiné.e.s ont fait sortir l’expression de nos identités, de nos états multiples, et poussent les pulsions qui nous animent à se libérer. Les confiné.e.s sont un et multiple, passé et présent, contraints et rebellés.


Katrin Ströbel

Les confiné.e.s, 2020

Impression sur tissu

180 x 100cm


Visible dans le cadre du nouvel accrochage des collections du MAMAC et de la carte blanche aux artistes Aïcha Hamu et Katrin Ströbel


Vues de l'exposition "Histoire.s de l'oeil", MAMAC, Nice, 2021

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