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DANSER JUSQU'AU BOUT DE LA VIE

Hito Steyerl, Socialism, 2020


L’ambiance sonore de l’installation numérique « SocialSim » d’Hito Steyerl est entraînante, électronique, dansante. La voix off oscille entre atmosphère clubbing et intonation militaire, presque apocalyptique. Faut-il danser ou se battre ?


Au rythme des figures numériques dansantes et animées, on entre dans l’univers du jeu vidéo et de la réalité virtuelle. Les teintes de couleur, les curseurs allant du blanc au rouge en bas de l’image, les mouvements répétitifs des personnages, leur graphisme, tout transporte le visiteur dans l’univers du « Sim ». A l’exception près que celui-ci n’a rien de fictif.


Les personnages qui dansent sont des policiers et des civils. Complètement robotisés pour certains et comme habités, en transe, pour les autres, ce joyeux mélange a tout d’une danse funèbre plutôt que d’une danse de la joie. Les corps ne se lient pas, ne se rencontrent pas, chacun reproduit à l’infini le même mouvement, le même parcours. Les personnages passent les uns sur les autres sans interactions. Les corps des civils, victimes d’un flou à l’esthétique du bug, s’activent à l’infini. Comme habités par l’accès de folie qui avait conduit au Moyen-âge des populations à la mort pour cause d'épuisement ne pouvant empêcher leur corps de danser. Pourquoi ?


Les curseurs, comme des légendes d’interprétation du réel, permettent de cerner l’origine de cette violence : « nombre de morts aux mains des forces de l’ordre », « inégalité du nombre de décès liés au coronavirus entre les quartiers riches et les quartiers populaires », « inégalité du taux de verbalisation entre les quartiers riches et les quartiers populaires pendant le confinement ». Tous révèlent des faits de violence liés aux actions de la police, à la crise sanitaire du coronavirus et à l’exacerbation des inégalités qu’elle a induite.


La liberté est-elle elle aussi un curseur dont les niveaux s’adaptent aux catégories de la population ?


L’impression qui se dégage est une expiation par le mouvement des inégalités, du confinement, des violences policières, de l’atmosphère de surveillance généralisée qui se sont développés. La dernière partie de l’installation, la projection d’une succession d’images réelles et fictionnelles tournées à travers le monde à l’écart du jeu, rend compte de cet état de fait : la fiction est devenue réalité.


Si bien qu’un nouveau corps de milice estampillé « people », représentant de la révolution citoyenne, fait son apparition comme une réponse à une escalade de la violence. L’œuvre sonne comme une invitation à tout « régénérer », à tout « RESET-er ».


L’artiste pose alors la question suivante, comme les options du menu d’un jeu vidéo après l’échec de la partie : « de quoi préfères-tu mourir ? » :

- De la maladie,

- Des mains de la police,

- De la famine,

L’option sélectionnée est celle de la danse.


Hito Steyerl, SocialSim, 2020

Installation numérique


Installation visible dans l’exposition « Hito Steyerl. I will survive. Espaces physiques et virtuels » présentée au Centre Pompidou jusqu’au 5 juillet 2021.


Vues d'exposition, 2021

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