Cristina Lucas, Monochrome (Red), 2016
© Cristina Lucas
Rouges, bleus, jaunes, violets. Les logos des marques fleurissent partout et envahissent nos quotidiens. Si bien que l’artiste Cristina Lucas parvient, par leur accumulation et assemblement par couleur, à en faire de véritables monochromes au point qu’un logo n’est plus distinguable de l’autre. Et nous n’y voyons plus rien. A l’image de leur superposition à l’infini dans l’œuvre, les logos - répondant à la multiplication de la publicité propre à la logique de consommation capitaliste - envahissent et polluent notre espace visuel. Comme s’ils formaient un magma d’informations, ils sont démultipliés. Notre espace visuel est brouillé.
L’objectif des logos est pourtant d’arrêter, de capter, d’attirer le regard. Ce qui est amusant alors, c’est de jouer à identifier les logos dans l’œuvre. LG, Nintendo, Coca Cola, H&M, Diesel, CNN, Heinz, MARVEL. Et vous que voyez-vous ? Dis-moi quels logos tu vois, je te dirai qui tu es. Chacun de nous identifiera quelque chose de différent selon ses habitudes de consommation. Car plus que de les voir, je les identifie, je les extrais de mon champ visuel, je les re-connais inconsciemment, même sans les chercher. Les logos font partie de nos références, de nos repères. Si bien que nous nous trouvons satisfaits de les reconnaître à des milliers de kilomètres de chez nous parce qu’ils semblent faire appel à quelque chose de familier, comme s’ils étaient propres à nous-mêmes.
Pourtant, ce monochrome sera bel et bien identique à l’échelle de la planète. Les logos, les produits, les marques ne connaissent en effet pas de frontière. De ce point de vue, ils sont universels. L’enjeu du monochrome est bien de chercher l’universalité, à ceci près qu’il la cherche traditionnellement dans la pureté, pour retrouver l’essence même des choses : la couleur. Ici ce sont les logos qui le constituent. Il ne s’agit alors plus de pureté mais bien de pollution visuelle. Ce nouveau type de monochrome s’imposera-t-il comme nouveau paradigme ? La publicité comme la pratique artistique du siècle ?
Le cadre de l’œuvre alerte. Il est, lui, blanc, pur, moins tape-à-l’œil. Il est gravé de lettres qui forment les mots : sex, power, fire, blood, warrior, danger, violence, etc. Ces éléments sont visibles uniquement de celui qui sera plus attentif. Une façon d’alerter sur le fait que, sous ces logos, de manière insidieuse, se cachent et se répandent des logiques, des pouvoirs et des réalités bien plus violentes et dangereuses que l’apparence d’abord chatoyante des logos.
Après tout, le rouge, c’est le sang.
Cristina Lucas, Monochrome (Red), 2016
Impression numérique sur méthacrylate, cadre en bois
© Cristina Lucas
Vue dans l’exposition « Cristina Lucas, Trading Transcendence » présentée d’octobre 2016 à mai 2017 au MUDAM de Luxembourg
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