Vanessa Safavi, Velvet, 2019
© Vanessa Safavi
Images extraites de la vidéo disponible en bas de page
Au fur et à mesure qu’on la découvre, l'oeuvre vidéo de Vanessa Safavi intrigue. Que montre-t-elle ? On croit d’abord assister à une scène futuriste montrant la fabrication en série de bras de robots près à constituer une armée. La pointe de la technologie évoluant sous nos yeux. Les mains sont lisses, blanches, immaculées. Elles suivent une ronde en harmonie parfaite et ne connaissent pas d’écart. La main, ce que l’humain a de plus le propre, la marque de son identité, son outil fondateur, la partie de son corps la plus porteuse de sens et de signes dont les lignes pourraient même tracer l’avenir, est ici complètement déshumanisée.
Tout semble avancer sous nos yeux indépendamment de toute volonté, comme par la force des choses. Inarrêtable. Le plan de la caméra est fixe. Les mains entrent et sortent du champ à l’infini. Le progrès est en marche qu’on le veuille ou non.
On assiste alors à un véritable bal de mouvements synchronisés, les mains opérant tour à tour les mêmes mouvements parfaits, en canon. La chorégraphie est bien rythmée. Le son, immuable, s'accélère progressivement au rythme des enchaînements. Il devient effréné. Ici, il n’y a pas de place à l’erreur, à l’aléa. Tout est parfaitement ordonné. Les mains seront parfaitement lisses et identiques. Le titre de l’œuvre indique qu’elles sont « velvet » - veloutées, douces comme du velours. Celle qui sera différente sera considérée comme ratée et éliminée.
D’abord fixé sur ces mains qui opèrent une véritable chorégraphie, le plan s’élargit ensuite de façon à montrer la mécanique en marche. Le son devient grinçant, presque angoissant, il s'accélère. Des éléments de la vie quotidienne nous rappellent la présence humaine et nous ramènent à une époque bien réelle et actuelle. Les panneaux, les seaux et ustensiles ménagers, puis de véritables mains humaines nous ramènent à l’instant présent, comme si, à la fin du spectacle, la mécanique de l’installation, les véritables mains derrière les marionnettes, nous étaient dévoilées. Les petites mains à l’œuvre derrière les machines, parfois sans gants ni, elles, veloutées, sont en fait celles des ouvriers d’une usine indienne de fabrication de gants en latex. La chaîne de production est déshumanisée. Les véritables mains des travailleurs indiens n’apparaissent qu’à la fin de la vidéo pour rappeler et resituer le spectateur qu’il a bel et bien assisté à une scène actuelle, quotidienne, parfaitement coordonnée et répondant à un mouvement bien strict. Prévisible.
Répondant à un rythme militaire, ou aux temps d’une chorégraphie, les mouvements des gants – ou est-ce ceux des ouvriers ? - sont savamment orchestrés et ne laissent pas de place à l’improvisation. 1, 2, 3, 4… 1, 2, 3, 4… impossible de sortir du rang.
© Vanessa Safavi, Velvet, 2019
Visionnable en ce moment dans la « Viewing Room » de The Breeder
Vanessa Safavi, Velvet, 2019
HD video, couleurs, son, 12min
Musique originale par Ariel Garcia et Luc Müller
Images de Xavier Ripolles et Vanessa Safavi
Production Vanessa Safavi avec l’appui du Fonds Culturel Fribourg Switzerland
© Vanessa Safavi
Images extraites de la vidéo
Vue dans l’exposition « Etudes sur l’empathie » présentée à la Fondation d’entreprise Ricard du 3 décembre 2019 au 25 janvier 2020
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